Qui ne s’est jamais posé cette question, en pleine lecture d’un roman qui ne nous passionne pas : faut-il finir un livre qui ne nous plaît pas ? La réponse semble simple… et pourtant, entre culpabilité de lecteur, pression sociale et peur de passer à côté d’une révélation, l’abandon d’un livre peut vite devenir un dilemme. Dans cet article, nous allons explorer les raisons pour lesquelles on se force à terminer une lecture. Nous verrons comment oser abandonner une lecture, mais aussi les situations où il vaut la peine d’insister. Prêt(e) à déculpabiliser ?
Abandonner un livre : une question de culpabilité ou de liberté ?
Pourquoi se sent-on obligé de terminer un livre ?
Il nous arrive souvent de persévérer dans la lecture d’un livre qui ne nous plaît pas, comme si l’abandon était une faute de goût ou un aveu d’échec. Ce sentiment est principalement issu de pressions externes et internes profondément ancrées dans notre rapport à la lecture.
D’abord, il y a la pression culturelle et scolaire. Depuis l’enfance, notre entourage, qu’il soit scolaire ou familiale, nous apprend que finir un livre est une forme de discipline. Cela est presque exposé comme une une vertu. Ici, l’abandon, est exposé à l’enfant que nous étions dans son sens premier : ne pas aller jusqu’au bout. Cela s’intègre comme le synonyme d’un manque de rigueur ou d’une preuve de paresse intellectuelle. Ce conditionnement influence durablement notre rapport aux livres.
Ensuite, la question de la valeur perçue entre en jeu. Quand on a acheté un livre ou qu’on a attendu longtemps pour l’emprunter, on veut rentabiliser son achat ou son effort. Comme si chaque page lue devait « amortir » le prix payé ou l’investissement en temps. Ça parait bête, mais c’est un puissant levier de culpabilité qui indique à notre cerveau que nous avons gaspillé du temps et de l’argent. Et ça, le cerveau n’aime pas du tout !
Enfin, il y a cette peur lourde de manquer quelque chose, le fameux FOMO (Fear Of Missing Out) : et si la fin était brillante ? Et si le retournement tant attendu se produisait juste après notre abandon ? Cette crainte nous pousse parfois à persister… même quand chaque page devient une une véritable corvée.
Pourtant, s’autoriser à lâcher prise n’est pas un manque de sérieux. C’est aussi reconnaître que la lecture, avant tout, devrait être un plaisir.
La lecture doit-elle être une épreuve ?
Dans un certain imaginaire collectif, la lecture dite sérieuse, est souvent associée à un effort. Comme si le plaisir devait céder la place à la difficulté pour que le livre soit « digne d’intérêt ». Mais alors, faut-il vraiment souffrir pour mériter un bon livre ?
Lire pour le plaisir et lire pour l’effort sont deux expériences bien différentes. La première nous connecte à nos émotions, nous fait voyager, rêver, réfléchir sans contrainte. La seconde nous met face à un défi intellectuel, parfois stimulant, parfois pesant. Or, une lecture exigeante n’est pas forcément une lecture enrichissante si elle ne résonne pas en nous.
Il existe une frontière subtile entre ce que l’on pourrait appeler un challenge littéraire et une perte de temps déguisée en effort méritoire. Comme lire un classique dense ou un style complexe. Si tourner les pages devient un acte mécanique, sans curiosité ni enthousiasme, il est peut-être temps de réévaluer l’intérêt de poursuivre.
Lire un livre qui ne nous plaît pas ne fait pas de nous de meilleurs lecteurs. À l’inverse, choisir d’arrêter, c’est peut-être affiner notre goût, mieux comprendre ce que l’on recherche dans une œuvre. En bref, ce n’est pas fuir l’effort, c’est reconnaître que le plaisir de lire ne devrait jamais être relégué au second plan.
5 bonnes raisons de ne pas finir un livre qui ne vous plaît pas
1. La vie est trop courte pour de mauvaises lectures
Ça parait trivial, mais finalement c’est peut-être la bonne raison la plus importante !
2. Le plaisir de lire doit rester au cœur de l’expérience
Tout dépend de la raison pour laquelle vous lisez ce romans que vous hésitez à abandonner… Mais il est tout de même préférable que la lecture soit associé à un sentiment de plaisir.
3. Tous les livres ne sont pas faits pour vous, et c’est normal
Cela pourrait revenir à dire : « Les goûts et les couleurs hein… »
4. Un livre qui vous ennuie aujourd’hui pourra vous plaire demain
Ce livre n’est peut-être pas fait pour vous… Pour le moment ! Pensez-y, ça vous aidera sur le chemin de la déculpabilisation.
5. Vous libérez du temps pour découvrir le bon livre
Finalement, ce n’est jamais une perte de temps, vous voyez ?
Mais... quand faut-il insister malgré tout ?
Certains livres demandent un effort pour révéler leur richesse
En fantasy et en fantastique par exemple, certains romans ne se laissent pas apprivoiser facilement. Leurs mondes sont complexes, leur rythme parfois lent, leur narration quelques peu déroutante. Et pourtant, ces lectures pouvant apparaitre comme laborieuses peuvent offrir, en persévérant, une richesse rare.
Prenez Le Silmarillion de J.R.R. Tolkien : c’est un texte fondateur, dense, presque sacré, qui exige du lecteur une concentration et une curiosité quasi érudite. Mais pour qui veut explorer les fondations de la Terre du Milieu, c’est une œuvre incontournable, un voyage d’une ampleur fascinante.
Autre exemple : Terremer d’Ursula K. Le Guin. Le premier tome peut paraître simple, presque classique. Mais plus on avance dans le cycle, plus l’univers se teinte de profondeur philosophique et poétique. L’autrice y questionne le pouvoir, la mort, l’équilibre des choses… avec une finesse qui mérite qu’on dépasse l’apparente sobriété de son style.
Et que dire de Piranèse de Susanna Clarke ? Le début est obscur, presque déroutant : on est plongé dans un labyrinthe énigmatique, avec un narrateur candide et une structure étrange. Mais peu à peu, le mystère se dévoile, l’émotion monte, et ce roman bref devient une expérience sensorielle et métaphysique inoubliable.
Ces lectures demandent un vrai investissement émotionnel et intellectuel. Mais si vous acceptez de les suivre, elles vous emmèneront plus loin que vous ne l’imaginiez.
Des pistes pour savoir si cela vaut le coup de continuer
Quand un livre semble difficile à terminer, il peut être utile de se poser quelques questions avant de décider s’il vaut la peine d’insister.
Si l’écriture vous semble difficile à suivre, mais que l’histoire elle-même vous capte, cela peut valoir la peine de persister. Parfois, un style complexe sert à servir une atmosphère particulière, et l’intrigue pourrait valoir la peine d’avoir persisté. Si c’est l’intrigue qui vous accroche, peut-être que la persévérance sera récompensée par un dénouement satisfaisant.
Maintenant, si l’auteur est connu pour ses fins de romans percutantes et imprévisibles, vous pourriez avoir envie de donner une chance à ce livre. Et ça même si le milieu semble lent ou confus. Par exemple, Le Silmarillion de J.R.R. Tolkien peut paraître ardu à aborder. Avec au début ses longs passages historiques et son style plus académique. Mais ses révélations et ses liens avec l’univers du Seigneur des Anneaux peuvent donner un éclairage totalement nouveau au lecteur persévérant. Si vous savez que l’auteur maîtrise l’art de clore son récit de manière marquante, avec des plots twist phénoménaux par exemple, vous aurez peut-être envie de dépasser les passages plus durs pour atteindre cette résolution.
Si vous êtes en train de lire un classique dans un contexte scolaire ou professionnel, cela peut ajouter une pression supplémentaire. Dans ce cas, il peut être utile de peser les avantages de terminer le livre pour enrichir votre culture littéraire. Même si vous ne ressentez pas un intérêt immédiat. Les œuvres comme Le Seigneur des Anneaux ou Le Monde de Narnia sont souvent abordées sous différents angles dans des études littéraires. Et leur richesse historique et symbolique peut justifier un effort supplémentaire. L’accomplissement d’un tel défi peut également donner un sentiment de satisfaction intellectuelle une fois le livre terminé.
Comment reconnaître un livre qu’on peut abandonner sans regret ?
Parfois, il est difficile de savoir si un livre mérite d’être abandonné ou s’il suffit de donner une seconde chance. Heureusement, il existe des moyens simples de déterminer si un livre peut être laissé de côté sans culpabilité.
Le test des 50 pages (ou 20 %)
Une méthode simple et efficace pour juger un livre sans se sentir coupable est le test des 50 pages. Ou de 20 % du livre, selon la longueur. Après avoir lu environ 50 pages ou 20%, vous ne vous sentez toujours pas captivé ? Il est probablement temps de passer à autre chose. Cette règle s’appuie sur l’idée que si un livre ne parvient pas à vous accrocher dès le début, il est peu probable qu’il le fasse plus tard. Surtout si vous n’avez pas d’attachement particulier à l’intrigue ou aux personnages.
L’intérêt de cette méthode réside dans sa simplicité. Elle vous permet de prendre une décision claire sans avoir à culpabiliser. Après tout, la lecture doit rester un plaisir et non une contrainte. Si un livre vous ennuie ou ne correspond pas à vos attentes, il n’y a aucune raison de vous y accrocher de force. Le test des 50 pages vous offre ainsi une liberté de choix tout en vous permettant de continuer à explorer d’autres œuvres qui pourraient davantage correspondre à vos goûts.
Écouter votre intuition de lecteur/lectrice
Parfois, la réponse la plus honnête réside dans vos instincts de lecteur. Si, après quelques chapitres, vous vous surprenez à repousser votre lecture en trouvant autre chose à faire, le est signal clair. Comme faire la vaisselle ou ranger, par exemple… Votre subconscient vous envoie un message : le livre ne suscite pas votre enthousiasme, et votre esprit cherche des échappatoires pour ne pas le reprendre.
Ce genre de comportement est une indication forte qu’il est temps de laisser tomber. La lecture ne doit pas être vécue comme une corvée. Si un livre ne capte pas votre attention au point que vous préférez faire des tâches ménagères, il y a de fortes chances qu’il ne vous apportera pas de plaisir. Votre intuition est un excellent indicateur de la direction à suivre : ne la négligez pas. Elle vous permet de rester fidèle à vos goûts et de préserver votre plaisir de lire.
Abandonner un livre, c’est aussi progresser en tant que lecteur ou lectrice
Se connaître à travers ses lectures (et ses abandons)
Abandonner un livre n’est pas simplement un geste de renoncement? C’est aussi un moyen de mieux se connaître en tant que lecteur ou lectrice. Chaque livre que nous choisissons de commencer, mais aussi ceux que nous laissons de côté, révèlent quelque chose de notre personnalité. Et de nos goûts littéraires. En abandonnant un livre, vous prenez le temps de réfléchir à ce qui vous plaît vraiment. Ce qui vous touche et ce qui ne résonne pas avec vous.
Cela permet de mieux cerner vos préférences : aimez-vous les récits denses et complexes ou préférez-vous les histoires plus légères et accessibles ? Avez-vous une tolérance pour les styles d’écriture exigeants ? Ou êtes-vous plus en quête de fluidité et de rythme ? En écoutant vos envies et vos réactions face à chaque livre, vous ajustez petit à petit votre façon de lire et développez votre propre approche de la littérature. Abandonner sans culpabilité vous aide à explorer de nouveaux horizons littéraires, tout en affinant votre goût pour ce qui vous correspond vraiment.
Affirmer ses goûts et assumer ses choix
Mettre un livre livre de côté, c’est aussi un acte d’affirmation de soi. Dans un monde où l’on nous incite souvent à terminer ce que l’on commence, assumer de ne pas finir un livre est un moyen de revendiquer ses goûts personnels. Mais aussi de se libérer des pressions extérieures. C’est reconnaître que ce qui plaît à d’autres ne vous correspond pas forcément, et qu’il est tout à fait légitime de ne pas s’attarder sur une œuvre qui ne vous parle pas.
Cela montre également une forme de confiance en soi : vous savez ce que vous aimez, et vous ne vous sentez pas obligé de suivre des attentes sociales ou littéraires pour plaire. Chaque abandon devient un acte d’autonomie, une occasion de définir clairement vos propres critères de lecture. En assumant vos choix, vous devenez un lecteur ou une lectrice plus authentique, plus en phase avec vous-même, et moins influencé par les tendances du moment. Vous apprenez à privilégier la qualité de votre expérience de lecture, plutôt que la quantité ou les conventions.
Pour conclure, abandonner un livre qui ne vous plaît pas peut sembler contre-intuitif au premier abord, mais c’est en réalité une décision bénéfique pour votre parcours de lecteur. Tout d’abord, vous gagnez du temps. Ce temps, vous pouvez le consacrer à des lectures qui vous passionnent véritablement, qui vous apportent une expérience enrichissante et agréable. Plutôt que de vous forcer à finir un ouvrage qui vous ennuie, vous ouvrez la porte à des livres qui vous enthousiasment, et cela rend votre pratique de la lecture bien plus épanouissante.
De plus, en abandonnant des livres qui ne vous conviennent pas, vous retrouvez du plaisir dans la lecture. Lire ne doit pas être une corvée, mais un moment de détente, de découverte et de plaisir personnel. En étant plus sélectif dans vos choix, vous affinez vos goûts et vous vous offrez des livres qui résonnent davantage avec votre personnalité et vos envies du moment.
Enfin, cette approche vous permet de vivre une lecture plus alignée avec vous-même. En faisant le choix d’abandonner certains livres, vous vous libérez des attentes sociales et des jugements extérieurs. Vous devenez un lecteur ou une lectrice plus libre, plus sûr de ses préférences et plus honnête avec ses choix. Vous vous épanouissez dans une pratique de la lecture plus authentique, où chaque livre que vous ouvrez devient une véritable expérience enrichissante, plutôt qu’une simple case à cocher.
